Mariana Montes & Sebastian Arce Tradition & innovation

11 Juil. 2007

Extraits d’interviews Sebastian Arce y Mariana Montes

2003 – SEBASTIAN et MARIANA ET L’ENSEIGNEMENT DU TANGO

Quels sont pour vous les principes d’un bon enseignement du tango ?

D’abord beaucoup de patience, car souvent les gens qui viennent au tango n’ont jamais dansé de leur vie. Certains autres ont déjà dansé le rock, la salsa ou des danses de salon, mais ces danses n’ont rien à voir avec le tango argentin, qui est beaucoup plus complexe… Donc l’un des principes de base de l’enseignement doit être la patience.

Que représente l’enseignement pour vous ?

L’enseignemenet du tango argentin est un livre que nous écrivons jour après jour. Aujourd’hui nous en sommes aux premières pages, et peut-être réussirons-nous un jour à écrire ce livre. L’enseignement est très important pour nous. Il nous a permis de comprendre beaucoup de choses dans nos vies personnelles et artistiques. L’enseignement nous aide beaucoup à réfléchir sur le tango argentin.

Comment est-conçu votre enseignement ?

Notre enseignement repose sur deux principes de base : le déplacement et la communication. Ceci est le fruit d’une recherche continue, une envie de caractériser le pas par petites unités de mouvement. C’est grâce à cette division du pas en unités de mouvement qu’on a construit nos principes théoriques. Ce sont ces principes qui nous permettent sans cesse de créer de nouvelles séquences. Notre enseignement est donc le fruit d’un travail de laboratoire. La richesse de notre enseignement provient de notre investissement. L’enseignement que nous donnons chaque week-end et chaque semaine reflète l’état de nos recherches personnelles.

Quelle est l’importance de la marche dans le tango ?

Si l’on réalise qu’une sacada est l’ intersection de deux marches dans des directions opposées, l’on comprend très vite que la marche est primordiale dans le Tango Argentin. La marche ne sert pas simplement à se promener dans le bal, elle est la base de toutes les séquences du Tango Argentin. On ne peut pas faire un tour correctement si l’on ne sait pas se déplacer correctement. La marche est donc la première chose, et la plus importante, à apprendre. L’idée est de marcher dans la danse comme on le fait dans la vie, pour aller d’un endroit à un autre, mais la marche sert aussi à passer d’une idée à une autre.
La marche, comme le reste, est un travail de laboratoire permanent. Je peux, bien sûr expliquer techniquement à mes élèves comment je fais telle ou telle chose, mais l’important pour eux n’est pas de copier, mais bien de regarder et de faire ensuite ce qui est naturel pour eux… Je dois adapter mon enseignement à chaque élève en fonction de sa morphologie, et chaque élève doit être conscient de ce qu’il peut naturellement faire ou ne pas faire en fonction de sa morphologie. Nous ne pouvons donc pas imposer notre façon de marcher, car ce serait ignorer les particularités de chacun.

Quelle importance attachez-vous aux questions biomécaniques d’appui, d’axe, de posture, etc. ?

Ce sont des questions essentielles. Nous parlons beaucoup dans nos cours, d’axe, d’appui, de relâchement, de posture, d’équilibre… Nous insistons beaucoup sur le travail géométrique du corps pour trouver le relâchement musculaire. Pour se tenir droit, il n’est pas nécessaire d’être tendu. En effet, l’axe d’appui, qui est la colonne vertébrale, travaille quoi qu’il en soit, même si l’on est complètement relâché, même si l’on est ‘mou’. Il est donc inutile de créer des tensions pour se tenir droit. Tout cet aspect biomécanique a pour but essentiel de permettre aux élèves de danser naturellement, sans tensions inutiles.

Quelle est la place de la musique dans votre enseignement ?

La musique est primordiale, car sans un sens rythmique partagé par les deux partenaires, la danse perd toute sa magie. C’est grâce à la musique que le corps de l’homme et le corps de la femme vont de pair… Nous choisissons les morceaux en fonction de leur complexité. Di Sarli est bien adapté aux danseurs débutants, puis nous proposons des rythmes plus complexes ou plus dynamiques. Pugliese, Piazolla, Salgan permettent de jouer davantage avec les pauses, les syncopes, etc.

Quelle est la recette pour bien apprendre à danser le tango ?

Il faut répéter, prendre, des cours, répéter, aller au bal, répéter, établir une bonne relation avec son ou sa partenaire, et répéter encore et toujours. Il faut aussi trouver un bon professeur, et apprendre la patience : patience aussi bien avec soi-même qu’avec son ou sa partenaire, quel que soit son niveau. Le tango est une chose qui se développe jour après jour, au fil des années. Nous-mêmes sommes toujours en train d’apprendre en dansant ensemble. Nous apprenons également avec nos élèves, nous apprenons avec la musique, nous apprenons en regardant les autres danser, nous apprenons constamment. Il est essentiel de toujours garder l’esprit ouvert.

Doit-on connaître un grand nombre de figures pour être un bon danseur ?

Non, pas du tout. Nous ne dansons pas avec des séquences, nous improvisons toujours. Mais improviser, ce n’est pas mélanger les séquences que l’on a apprises ; il ne s’agit pas de mélanger la séquence 24 avec la 20 avant de finir avec la 30 ! L’esprit de l’improvisation, c’est de ne pas réfléchir et de trouver des mouvements, des positions corporelles que l’on n’a peut-être jamais encore rencontrés. Ce n’est pas mélanger ‘tour-gancho-sacada’ avec ‘tour-gancho-boleo’. On ne danse pas avec des séquences.

Quelles qualités faut-il pour être un bon enseignant de tango ?

Il faut bien sûr posséder une bonne connaissance de la culture du tango argentin, mais aussi avoir de réelles prédispositions à la communication. Un bon enseignant doit être bien dans sa peau, avoir une bonne relation avec son ou sa partenaire, et avec les élèves. Il faut aussi qu’il, ou elle, ait envie d’évoluer, car le tango est actuellement en pleine évolution. Il ne faut surtout pas devenir conformiste, mais au contraire, avoir envie chaque jour de faire des recherches théoriques sur le mouvement et sur l’enseignement. Il faut également être capable d’adapter son enseignement en fonction des élèves quel que soit leur niveau. Un bon enseignant ne doit pas arriver dans un cours et demander à ses élèves de danser exactement comme lui. En revanche, il doit être capable de donner des principes de base à ses élèves afin de les aider à construire des points de repère qu’ils pourront ensuite utiliser pour improviser.

 

2004 – SEBASTIAN ARCE ET LA MUSIQUE

Sur quel type de musique préfères-tu danser sur scène ?

Pugliese m’apporte une connexion plus forte avec moi-même et mon humeur du moment. … je suis quand même d’une nature plutôt réservée. Voilà pourquoi je me sens en sécurité en dansant sur la musique de Pugliese qui m’enveloppe et me protège sur scène, tout en me donnant la possibilité de l’interpréter librement sans avoir besoin de recourir à des artifices. Chaque pause de l’orchestre donne d’innombrables interprétations possibles, et c’est ce qui donne la liberté de créer.

Piazzolla par sa complexité, me donne aussi beaucoup de plaisir, d’une manière différente. La structure musicale de Piazzolla est plus originale et nos mouvements en découlent directement. La musique de Piazzolla a sa personnalité et ses arrangements musicaux que nous pouvons écouter toute une vie durant et pourtant découvrir encore des sensations vécues par le compositeur qui rejaillissent sur moi de manière indéniable.

Sur quel type de musique préfères-tu danser dans les milongas ?

Les Tangos des années 40 : Tanturi avec Castillo – Campos, d’Agostino avec Vargas, Troilo et F.Ruiz, Fiorentino. Pourquoi ? Parce que ces musiques me ramènent à mes débuts à Buenos Aires, quand j’étais encore un ‘gamin’, quand j’écoutais les DJs de Almagro, de Villa Urquiza, ou de Parque Patricios etc etc, avec leurs vieux appareils de musique à son mono ! Je me souviens parfaitement de l’époque où dans les milongas les jeunes se comptaient sur les doigts de la main, et où les milongueros s’approchaient pour nous apprendre ce qu’ils savaient, nous adoptant et nous prenant sous leur protection … A la fin des années 90, les jeunes étaient si nombreux qu’ils commencèrent à envahir la milonga ! Déjà les milongueros étaient un peu fatigués des jeunes qui arrivaient dans les milongas avec leurs chaussures et leurs propres codes qui ne collaient pas à la « milonga ». Aujourd’hui la milonga à Buenos Aires n’est plus ce qu’elle était dans les années 80 ni même dans la première moitié des années 90. Il y avait aussi un goût certain pour la nostalgie … et on AIMAIT écouter ces morceaux de Troilo avec les crachottis des vieux vinyls, qui les rendaient presque inaudibles. Cela nous semblait une sorte de rencontre avec les années 40 et toute cette Histoire du Tango que nous n’avons jamais vécue. Cette nostalgie des choses que nous n’avons jamais vécue et qui constituaient une partie de l’esprit du Tango, voilà le type de musique sur laquelle j’aime danser dans les milongas… A part cela, tous les tangos me conviennent et plus largement tout ce qui a une couleur Tango !

Penses-tu que la musique tango électro mérite que l’on y porte attention ?

Quand elle est bonne, oui. Personnellement, j’aime beaucoup les compositions electros de Gotan Project et Nuevo Tango . Par contre, j’aime moins l’orchestre « TANGO CHILL OUT », parce que pour moi, il ne s’agit pas d’un véritable travail de composition musicale, mais plutôt d’un mixage sommaire d’œuvres de Piazolla sur un fond de musique electro … Qu’est-ce qu’il y a de mal à ça ? Rien, à part qu’il n’y a aucune recherche. On n’y trouve pas de concept musical et le tango n’est même pas mis en valeur. En effet, aucune attention n’est apportée aux nuances que le compositeur – en l’occurrence Piazolla – a voulu exprimer. Prenez par exemple le silence empreint de nostalgie qui suit les 8 premières notes de Adios Nonino et qui marque cette œuvre si profondément. Et bien ajoutez sur ce silence le rythme métallique de la musique techno et tout est détruit ! Par contre, dans le travail de Gotan Project , si l’on écoute attentivement, on s’aperçoit que le rythme electro varie clairement avec l’harmonie. L’avenir de la musique tango électro repose plus sûrement sur ce compromis entre ambiance musicale, electro et tango que sur le mixage brut des deux musiques.

Le Tango Electro, c’est l’avenir du tango, car la jeunesse s’identifie à cette musique. Je pense que quand ce concept musical sera un peu plus développé, les danseurs apprécieront vraiment de le voir prendre la place qui lui reviendra dans les milongas.

Penses-tu qu’il soit possible de faire de nouveaux arrangements électro avec des vieux tangos ?

C’est vrai que le Tango ce n’est pas seulement Piazolla même s’il est indéniable qu’il a posé des bases fondamentales pour le tango moderne. Par exemple, j’aime bien la version des « Temps Modernes » remixée avec du rap electro réalisée par J-Five ! Ce serait chouette de faire quelque chose du même genre, avec un thème de Gardel, non ??? Les milongas et les valses de Gardel s’y prêteraient parfaitement ! En tout cas, moi je trouverais cela génial !

Le tango électro est-il adapté à l’enseignement ?

Oui, parfaitement, et je l’utilise d’ailleurs régulièrement dans mes cours. Je fais travailler les élèves sur Gotan Project, Bajo Fondo et certains morceaux de Nuevo Tango. Ce que j’apprécie chez Nuevo tango, c’est que cet orchestre comprend des musiciens traditionnellement liés au tango comme Carla Pugliese, petite fille de Pugliese et fille de Beba Pugliese, Leopoldo Federico l’un des compositeurs-bandonéonistes les plus célèbres du moment, ou bien encore Nieta de l’orchestre de Pugliese. En ce qui concerne Narcotango de Carlos Libedinsky, je préfère l’écouter en ‘live’ plutôt qu’en CD, mais j’utilise quand même certains morceaux du CD dans mes cours.

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