El Gaucho – 3 : un symbole argentin et une culture

4 Avr. 2010

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« Gutierrez était le type même du gaucho, avec les traits accentués, le visage mongol des Indiens, les pommettes saillantes, le nez aux narines écartées, la moustache aux poils rares et le teint brun foncé.  Plutôt grand, environ un mètre soixante-quinze et la taille mince.  Il était renfermé, taciturne, et riait rarement. Comme ceux de sa race il s’amusait à écouter des histoires de batailles au couteau, d’hommes piétinés à mort par un troupeau de chevaux ou de vaches affolées. » Jean Guichard du Plessis – 1907

 

1. LE GAUCHO

 

Le gaucho est l’un des symboles culturels de l’Argentine. Il incarne la fierté, le courage, le sens de l’honneur et l’amour de la liberté. Le gaucho est dehors par tous les temps et passe les nuits couché sur son recado, qui lui sert à la fois de selle et de lit. Il est inséparable de son cheval Criollo sans lequel il n’est plus un homme car il accomplit toutes ses activités quotidiennes à cheval.

L’étymologie du mot gaucho serait dérivée du mot orphelin en langue quechua. Les premiers gauchos étaient des mestizos, dont le sang était mêlé d’Indien et d’Espagnol. Mais ils comptaient aussi dans leur communauté des membres d’ascendance africaine.

La communauté des gauchos se développe au XVIIIème siècle sur le territoire gagné par les chevaux et bovins abandonnés à leur liberté par les premiers colons. Les gauchos capturent les chevaux pour en faire des montures fiables avec lesquelles ils chassent les bovins dont la graisse est recherchée pour fournir le suif des chandelles à une époque où la viande de bœuf n’a pas encore de valeur marchande. Les premiers gauchos échangent cette graisse contre du tabac, du rhum, et du maté (note en bas de page).

Le gaucho est parfaitement adapté au rude milieu dans lequel il vit. Il fume tranquillement, boit le maté le soir autour du feu de bois, et s’accompagne de sa guitare pour tromper sa solitude. Il aime le jeu, la boisson, et la querelle.  La mort ne l’effraie pas car la vie humaine ne vaut pas grand chose dans la pampa. « Qu’importe, dit-il. Il y a tant de beaux chevaux qui meurent ! »

Les gauchos mesurent la valeur d’un homme à ses qualités de cavalier et organisent des concours permettant à chacun de montrer sa force et son courage. Le sortija est un jeu qui consiste à faire passer une lance dans un anneau accroché à une barre soutenue par deux fourches plantées dans la terre. Une autre épreuve consiste à se tenir sur la barrière d’un enclos dans lequel sont lâchés des chevaux sauvages au grand galop pour sauter sur le premier venu, le maîtriser, et le ramener au point de départ.

   

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Un jeu est destiné à renforcer les qualités des gauchos. Le cavalier passe entre deux rangées d’hommes qui s’évertuent faire tomber son cheval en lançant un lasso dans ses jambes S’il est désarçonné, le cavalier se doit néanmoins de retomber sur ses pieds, tout en gardant les rênes en main.

La gaucha ou china est la compagne du gaucho. A l’origine, seules des captives indiennes vivent dans les camps des gauchos. Puis, on reproche aux gauchos d’enlever des femmes de colons. Même lorsque des femmes les rejoignent de leur plein gré, les couples demeurent assez informels. Le mariage religieux est une gêne et une dépense inutile. Certaines femmes peuvent être comparées à de véritables gauchos, et en posséder toutes les qualités, mais aussi le même goût pour la boisson et la querelle. Solides, résistantes et courageuses, elles viennent des ranchos.

 

Les chinas ont parfois suivis les soldats. En femmes de troupe, elles portaient les bagages sur leur dos et se défendaient aussi bien que les hommes. Elles accompagnèrent et soutinrent le soldat argentin dans les guerres de frontières où les troupes les plus fermes auraient sans elles succombé à l’ennui.

 

 

2. DIFFERENTS TYPES DE GAUCHOS

 

Le rastreador est capable de reconnaître, aux traces laissées dans le sol par un ou plusieurs chevaux, la direction dans laquelle ces derniers sont allés ainsi que la taille et la spécificité du groupe. « Il jeta un regard vers l’horizon, montra la traînée indécise laissée sur le vert ondulant de la Pampa et rendit son verdict d’une voix traînante: Il est passé six chevaux montés, quinze chevaux libres, plus une jument madrina qui avec elle avait un poulain de sept ou huit mois ».

 

Le boleador chasse à cheval avec une arme de jet, les bolas. Selon l’objectif, le lanceur saisit les bolas soit par l’un des poids, soit par la corde les reliant. Il donne de l’élan aux boules en les faisant tournoyer avant de les libérer. L’arme est habituellement utilisée pour entraver les membres des animaux, mais si elle est jetée avec suffisamment de force elle peut aussi briser les os.

 

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Le gato moro a déclaré la guerre à la justice et à la police. Il compte un peu plus que les autres sur son couteau pour faire respecter ses goûts de solitude et de grand air. Rompant avec la sédentarisation et la civilisation, il passe peu à peu à l’état de Gaucho errant. On le désigne alors sous le nom de cuatrero.

 

Le domador dresse les chevaux. Il met un point d’honneur à choisir les plus difficiles pour affirmer son adresse.

 

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3. LA CULTURE GAUCHO

 

 En 1872 parait à Buenos-Aires une épopée en vers intitulée El Gaucho Martin Fierro, écrite par le poète José Hernández. La première partie est vendue à 72 000 exemplaires, la seconde, parue en 1879, est tirée à 20 000 exemplaires. De son coté Eduardo Gutiérrez, avec le feuilleton Juan Moreira, se base sur un fait divers réel pour bâtir une histoire dans laquelle il n’est plus question de « civilisation » et de « barbarie », et où le gaucho devient un marginal libertaire victime des gendarmes et du juge de paix qui fait office de commissaire dans les zones périphériques de la capitale argentine.

 

Prilidiano Pueyrredón (1823-1873) explore le personnage du gaucho à travers une œuvre picturale. Il est l’un des premiers.  Ayant vécu à Paris, il s’inspire du style romantique qu’il a découvert en Europe. Ses œuvres ont pour thème la Pampa où les rives du Río de la Plata.

 

 

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Florencio Molina Campos, dessinateur et peintre folkloriste, né à Buenos-Aires en 1891 succède à Puerreydón. De 1926 à 1948, il enseigne le dessin au Colegio Nacional Nicolás Avellaneda. Son œuvre est constituée de peintures, de dessins, d’illustrations et de caricatures de la vie campagnarde de son époque et de la vie des gauchos. Elle a été exposée à Paris, New-York et Los Angeles.  Il expose pour la première fois en 1926, à la Sociedad Rural de Palermo.  Sa vision de la vie paysanne et de la campagne mêle la caricature et la mélancolie, tout en restant remarquablement réaliste et authentique. Son œuvre est rapidement largement diffusée sur des almanachs.  Voici un joli hommage à Florencio Molina Campos, sur un accompagnement musical intitulé « Chacarera Doble », interprété par Hugo Díaz.

 

  

 

 

  

En 1939, Molina Campos est contacté par des firmes publicitaires nord-américaines.  Il y développe son œuvre et acquière une grande popularité.  Certains de ses originaux sont encore aujourd’hui à l’Université du Texas, et il est le seul artiste étranger exposé dans la Galerie Charles M. Russel, dans l’état du Montana.

 

Puis, il est sollicité par Walt Disney pour contribuer à la réalisation de plusieurs dessins animés inspirés par la culture gauchesque. En 1942 et 1943 sortent successivement 4 dessins animés. Nous vous proposons ici le premier volet des aventures d’El Gaucho Goofy. Le scenario débute avec un Dingo cowboy typiquement américain propulsé de l’Amérique du nord à l’Argentine par la voie des airs et la magie de l’animation. Le survol du continent et des reliefs, tout comme l’ensemble du dessin animé, est très pédagogique.  Puis, à peine notre cow-boy a-t-il touché terre qu’il est aussitôt ré-habillé en gaucho ! Pas mal du tout. Surtout que Walt Disney n’en est pas à son premier essai. Dès 1928 sortait The Gallopin’Gaucho, alors que Disney ne mettra les pieds sur le continent sud-américain que 13 ans plus tard, en 1941.   

 

  

Aujourd’hui, Carlos Montefusco poursuit dans la veine de ses prédécesseurs, avec un style qui lui est propre. Né en 1964 à Crucesita, Avellaneda, à la frange de Buenos-Aires, Carlos Montefusco explique qu’il dessine depuis toujours. Admiratif des grands peintres du folklore argentin tels que Rugendas, Quirós, Molina Campos, et Marenco, il ressent le besoin de poursuivre dans la voie tracée par eux en témoignant de ce qu’il voit dans la pampa. Il admire également les peintres nord-américains Remington and Russell. Il est, écrit-il sur son site, heureux et enthousiaste de recréer des scènes du passé pleines de mouvement et d’humour. A travers son œuvre, il vous offre de partager sa vision de la Pampa argentine, son peuple, sa faune et ses paysages. Nous vous proposons à nouveau un diaporama, haut en couleurs et en énergie. Accompagnement musical par José Larralde interprétant la chanson « Permiso ».

 

 

 

 

 

Sources

Jo Mora & Jean Guichard du Plessis – Cow-boys et Gauchos des amériques – Editions A.G.A. André Bonne, Paris 1984.

Alfred Ebelot – La Pampa, réédition, Editions Zulma 1992.

www.justacriollo.com

http://fr.wikipedia.org

ww.carlosmontefusco.com.ar/index.htm

www.folkloredelnorte.com.ar


Le Maté est un thé traditionnel issu de la culture des indiens Guaranis. Cette boisson, consommée chaude au Brésil et parfois froide en Argentine, de goût fort et amer, est préparée avec des feuilles de yerba maté. Elle se boit dans une calebasse grâce à un tube métallique qui sert aussi de filtre, la bomba. Pour savourer le maté les Gaúchos s’organisent en cercle où il passe de main en main selon un rituel très précis qui invite par exemple les participants à faire circuler la calebasse dans le sens anti-horaire afin de faire passer le temps moins vite. Cette boisson traditionnelle aiderait à supporter le froid de l’hiver et symbolise par ses rites de consommation la fraternité et l’hospitalité des Gaúchos.

 

Notre illustration de tête d’article correspond à la description suivante de Jules Huret, reporter en argentine pour le journal Le Figaro, dans son ouvrage intitulé En Argentine, (1911-1913) : « Leur costume, aujourd’hui disparu, se composait d’un caleçon brodé ou orné de dentelles dans le bas, à la manière des mousquetaires, et du « chiripa », grande pièce d’étoffe noire, passée entre les jambes et ramenée à le taille de manière à faire une sorte de vaste pantalon souple. Le gaucho mettait son élégance dans sa ceinture de cuir ornée de pièces d’argent qui rete­nait dans sa gaine le grand couteau; dans les molettes de ses éperons d’argent, larges comme des ostensoirs, et dans les agréments d’argent ciselé de la selle, de la bride et du mors. Une sorte de cape en laine appelée poncho lui couvrait le buste; il se coiffait d’on chapeau de feutre mou aux bords étroits, et ses bottes étaient faites avec la peau des pattes de derrière d’un poulain nouvellement dépouillé; l’homme passait sur ses jambes nues la peau encore fraîche et la façonnait à sa mesure; elle descendait jusqu’au bout des pieds, dont il ne passait que le gros orteil et l’index, qui s’appuyaient seuls dans l’étrier très petit. Puis on faisait sécher ces bottes naturelles qui devenaient, en réalité, un bas de cuir. »
  

 

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